La pierre philosophale managériale ou comment transformer une entreprise performante en entreprise excellente

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Je vais partager dans ce billet de blog la synthèse d’un livre très intéressant que j’ai enfin terminé cet été, les doigts de pieds dans le sable. L’été est souvent pour moi l’occasion de prendre du recul par rapport au quotidien. Sans avoir l’ambition de mettre tout en pause, c’est l’occasion c’est ralentir significativement le rythme du TGV des impératifs du quotidien et de le transformer en train omnibus à vieille micheline qui s’arrête gare après gare faisant découvrir au passager des endroits inconnus, des noms de villes qu’il n’aurait jamais traversées s’il n’était pas monté à bord.

J’ai entendu parler de ce livre lors d’une émission de radio dans laquelle des “coachs”, chefs d’entreprises expérimentés, plus ou moins connus, donnaient avis, notes et conseils à de jeunes créateurs d’entreprise en recherche de reconnaissance et de notoriété. “De la performance à l’excellence” y avait été cité comme un ouvrage exceptionnel et hors normes dans le domaine du management et de la stratégie d’entreprise.

Le but de cet article n’est pas de paraphraser le livre, mais simplement de mettre en valeur les idées qui m’ont le plus marqué en tant que chef d’entreprise.

Le contexte

Le livre a été écrit par Jim Collins, qui après avoir enseigné à Stanford a créé le laboratoire de recherche de Boulder, Colorado. Mais son contenu est issu des travaux de recherche de l’équipe du projet “De la performance à l’excellence”, dirigée par Jim Collins, et qui comprend une vingtaine de chercheurs qui ont cumulé environ 15 000 heures de travail sur le projet.
Ce livre pose une question : une bonne entreprise peut-elle devenir excellente et si oui, comment ?
Une fois les hypothèses de base établies par l’équipe de recherche qu’est-ce qu’une entreprise excellente ? C’est une entreprise dont le revenu par action de son cours de bourse est d’au moins trois fois celui du marché de son secteur d’activité durant la période.

Sur quelle durée ? (Quinze ans minimum, ce qui permet de transcender les coups d’éclat et les coups de chance, car il est impossible d’avoir de la chance durant quinze ans. C’est aussi une durée qui excède la durée moyenne des mandats de PDG afin de séparer les entreprises d’exception de celles qui ont connu un jour un patron d’exception).
Le matériau de recherche s’est alors révélé être 11 entreprises passées de la performance à l’excellence sur la période 1985 – 2000.

L’équipe de recherche a également établi une liste miroir d’entreprises de comparaison, performantes, mais pas excellentes et a placé au coeur de sa méthode d’analyse, un système consistant à confronter les exemples d’excellence à leurs comparatifs, en se posant systématiquement la question “qu’est-ce qui est différent ?”.

Le leadership de niveau 5

La première découverte de l’équipe de recherche a été de découvrir quel type de leadership peut transformer une entreprise. Les dirigeants des entreprises passées à l’excellence semblent venir d’ailleurs lorsqu’ils sont comparés aux dirigeants médiatiques qui s’affichent à la une des médias. Ils sont effacés, calmes, réservés, timides même. Ils offrent un mélange paradoxal d’humilité sur le plan personnel et d’engagement, de volonté sur le plan professionnel. “Ils sont plus proches de Lincoln ou Socrate que de De Gaulle ou de César”.

Ils sont ambitieux, d’abord et avant tout pour leur entreprise, non pour eux-mêmes.
Ils s’inscrivent dans la durée et cherchent en priorité à produire des résultats pérennes. Pour les atteindre, ils sont résolus à prendre toutes les mesures amenant leur entreprise vers l’excellence.
Ce sont des laborieux qui travaillent patiemment et ceux qui ont été interviewés attribuent souvent par modestie une grande part de leur réussite à la chance plutôt qu’à leur excellence personnelle.
A contrario, les PDG médiatiques venant de l’extérieur sont reliés négativement à la métamorphose vers l’excellence.

Cette découverte, par certains côtés étonnante, a renforcé ma conviction intime que n’affichant pas naturellement les qualités attendues par le stéréotype du chef d’entreprise dans l’imaginaire collectif, c’est à dire charismatique, meilleur que chacun en tout et dans toute l’organisation – je pouvais tout de même faire de Versusmind une entreprise performante grâce à une grande écoute, un souci d’amélioration permanent et une dynamique de cercle vertueux de retour d’expérience, d’observation et de souci de perfectionnement.

Sans avoir la prétention d’être un leader de niveau 5 au sens où l’entendent Jim Collins et son équipe, je pense avoir déjà mis en oeuvre certains des principes fondamentaux. La lecture de cet ouvrage ne fait maintenant que m’encourager à appuyer plus fort sur le crayon.

D’abord qui… ensuite quoi

C’est la deuxième découverte importante du projet d’étude. On peut s’attendre à ce que les dirigeants d’entreprises excellentes commencent par définir une vision nouvelle et une stratégie. L’auteur a découvert le contraire : ils commencent par faire monter dans l’autobus les collaborateurs qui leur étaient nécessaires, faisant descendre les mauvais, puis installent les bons à leur place; ce n’est qu’alors qu’ils savent où conduire l’autobus.

Le vieux poncif qui dit que le personnel est le véritable atout de l’entreprise est donc faux : ce sont, en réalité, les “bons collaborateurs” qui le constituent.

Mais le “d’abord qui”, c’est travailler dans la durée. Ainsi le choix des collaborateurs se porte sur leurs qualités intrinsèques d’intelligence, de comportement et surtout sur leur adhésion aux valeurs de l’entreprise plutôt que sur leurs compétences et leur expérience au moment de leur recrutement. Ces derniers pourront être acquis par la suite alors que les premiers sont beaucoup plus difficiles à faire apparaître s’ils ne sont pas présents au départ.
Le travail sur la durée initié par le “d’abord qui”, permet d’effectuer plus facilement des promotions et des évolutions internes, car vous serez sûr des hommes et vous pourrez les faire évoluer et avoir confiance en leurs capacités à accomplir les nouvelles responsabilités.

Le “d’abord qui” c’est aussi avoir un bon usage de la politique salariale. Ainsi la vocation d’un bon système de rémunération n’est pas d’obtenir les comportements adéquats de la part des personnes non compétentes, mais d’inciter les collaborateurs utiles à monter à bord du bus et à y rester.
Ainsi la capacité à recruter et à conserver un nombre suffisant de bons collaborateurs est indispensable.

Chez Versusmind, nous sommes persuadés que notre capacité à recruter, attirer les bons collaborateurs est indispensable au succès de l’entreprise. Aussi, nous avons mis en place un ensemble d’actions depuis un an visant à optimiser notre attrait et notre recrutement, mais également visant à conserver nos équipes. Ces deux leviers fondamentaux de la réussite sont maintenant ancrés dans l’ADN de la société et chacune de nos actions est passée au prisme de cette analyse : “Ce que je décide va-t-il renforcer mon attrait ?” “Cette action participe-t-elle suffisamment à la diffusion de la culture d’entreprise ?”.

Le “d’abord qui” c’est aussi savoir faire descendre du bus ceux qui n’y ont pas leur place. “Dès lors que vous ressentez le besoin de serrer la vis à quelqu’un, vous avez fait une erreur de recrutement”. Les meilleurs n’ont pas besoin d’être surveillés. Guidés, formés, menés, oui. Mais pas surveillés. Ainsi le temps et l’énergie que nous consacrons à cette personne sont détournés du travail à accomplir avec les bons. Conserver les mauvais éléments est injuste vis-à-vis des bons, car ceux-ci sont inévitablement amenés, un jour ou l’autre à compenser les lacunes des premiers.

Ainsi le point majeur de cette découverte vient de l’enchaînement d’abord qui – et ensuite quoi (stratégie d’entreprise, structure, tactique…). Ce qui entraîne une discipline rigoureuse appliquée avec cohérence.
Je vais reprendre 3 disciplines mises en valeur par le livre, permettant d’être rigoureux les décisions touchant à l’humain :
En cas de doute : ne pas recruter et observer
Lorsque vous êtes sûrs qu’il faut changer la personne : faites-le.
Placer les meilleurs face aux meilleures opportunités, pas face aux pires problèmes.

Affronter la brutalité des faits

L’équipe du livre a appris qu’un ancien prisonnier de guerre avait plus de choses à nous enseigner sur le cheminement vers la grandeur que la plupart des livres traitant de stratégie d’entreprise. Chacune des entreprises championnes a adopté ce qu’ils ont appelé le paradoxe de Stockdale (en référence à James Stockdale, militaire américain célèbre qui prisonnier durant 8 ans pendant la guerre du Vietnam a mis en place un système de pensée simple qui lui permettait ainsi qu’aux autres prisonniers de survivre et de traverser les épreuves de torture, d’isolement et d’humiliation). Ce système de pensée paradoxal est basé sur un principe simple : il faut conserver une foi inébranlable dans sa capacité à réussir quelles que soient les difficultés et en même temps avoir la lucidité d’affronter les faits les plus durs, quels qu’ils soient.

Ainsi, si en y réfléchissant, ce principe qui relève à chacun plus du bon sens, de l’évidence, que de la grande découverte peut paraître évident, il n’a pas été appliqué par les entreprises de comparaison ou encore par celles dotées d’un leader charismatique. En effet, les personnes dotées d’une personnalité forte, charismatique, ont tout intérêt à réaliser que leur charisme peut aussi bien être un défaut qu’un atout. Cette force peut faire germer des problèmes dès lors qu’elle conduit autrui à filtrer la réalité. Aussi, le véritable leadership ne commence pas simplement par une intuition. Il commence lorsqu’une personne en amène d’autres à prendre en compte la réalité pour réagir à ses implications.

Créer un climat d’écoute.

Le contexte d’appréhension de cette vérité est tout aussi important. Ainsi, si diriger c’est être un peu visionnaire, c’est aussi – et c’est aussi important – être capable de créer un climat d’écoute où la vérité est entendue et les faits affrontés. Il y a une différence considérable entre la possibilité de parler et celle d’être entendu. Les dirigeants de l’excellence ont su créer un climat de confiance et une culture où l’écoute est prépondérante et où la vérité est entendue.

Pour le dirigeant c’est aussi avoir la conscience de ne pas être omniscient et avoir l’humilité d’identifier ce qu’on ne comprend pas assez pour en obtenir des réponses, puis poser des questions qui conduiront à de meilleures découvertes.

Les entreprises excellentes ont connu autant de problèmes que les entreprises comparatives de l’étude, mais elles y ont réagi différemment en faisant face à la réalité de la situation.

Se renforcer

Affronter la réalité des faits, lorsque tout le monde a conscience qu’ils existent conduit les entreprises en route vers l’excellence à se renforcer. Il y a en effet un effet de stimulation collective à assumer et affronter ensemble la dure vérité. Cela participe à la création d’un esprit de groupe combatif et cohérent : “nous ne laisserons jamais tomber”, “nous trouverons une solution pour dominer ce problème…”.

J’avais mis en place au début de Versusmind une culture très basée sur l’opacité des données économiques de la société. La rentabilité, la comptabilité, les taux de transformations, etc… étaient des données trop particulières et trop ennuyeuses pour être partagées et comprises par des développeurs qui ne s’en souciaient pas et n’avaient pas à s’en soucier. J’étais donc seul à affronter les bonnes et les mauvaises nouvelles et le seul à essayer de trouver des solutions. À l’inverse, dans la mesure où les autres collaborateurs de Versusmind n’avaient pas d’information, ils ne se sentaient pas concernés par le sujet et en étaient déresponsabilisés. Nous avions donc d’un côté un dirigeant dans une grande solitude face à la réalité des faits et de l’autre côté des salariés totalement déresponsabilisés et donc moins impliqués et moins conscients des conséquences de leurs actes.
J’ai pris conscience assez récemment de ce problème et j’ai commencé à partager progressivement les informations avec de plus en plus de salariés lors de réunions de travail, lors de séminaires ou lors d’événements particuliers durant lesquels je ne leur présentais pas simplement les faits, mais je leur donnais systématiquement une explication de ce qu’ils représentaient et je leur demandais à la fin leur avis sur la situation en ouvrant le débat et en écoutant chacun.
J’ai été moi-même étonné de la force collective, de la responsabilisation et de la cohésion d’équipe que ce phénomène a engendrées.
Ce changement de comportement est maintenant une évidence et est intégré à la culture de l’entreprise. Un maximum de personnes sont informées de la réalité des faits, des chiffres, de la concurrence, etc. Et pour impliquer encore plus les équipes, nous avons créé des équipes transversales de veille concurrentielle, afin que chacun perçoive que si nous avons des atouts, nous ne sommes pas encore les meilleurs et que la réalité des autres doit nous permettre de nous améliorer.

Le concept du hérisson

L’allégorie de ce quatrième concept vient d’un essai de Isaiah Berlin intitulé “Le hérisson et le renard, dans lequel l’auteur part du constat que le renard a beau être un animal très malin, astucieux, rapide, inventif et beau, il ne réussit jamais à dévorer le hérisson. Il ne gagne jamais son combat, car s’il sait faire beaucoup de choses, le hérisson, lui, ne sait en fait qu’une, se protéger en se mettant en boule, mais il le fait excellemment.

L’auteur part de cette allégorie pour catégoriser le monde et les êtres humains entre renards et hérissons. Les renards envisageant le monde dans toute sa complexité poursuivent plusieurs objectifs en même temps. Ils sont, selon lui, “diffus, éparpillés, de déplaçant à plusieurs niveaux”. A contrario, les hérissons simplifient un monde complexe en une idée organisationnelle unique qui unifie et guide chaque chose.

Cette théorie a progressivement été adaptée au management. D’abord un professeur de Princeton, Marvin Bressler, a développé une théorie selon laquelle tous les plus grands influenceurs du monde passé et présent étaient des hérissons. Freud, Darwin, Marx, Einstein ont fait d’un monde complexe, un monde beaucoup plus simple.
Ainsi, poussant le concept aux organisations, les auteurs ont analysé les entreprises au prisme de ce nouveau concept. Il en ressort quelques découvertes étonnantes et des lois qui ont régi la focalisation des entreprises qui sont passées à l’excellence.

Le concept du hérisson se place à l’intersection de trois principes simples et indispensables comme trois cercles élémentaires :

Ce dans quoi on peut être le meilleur (et, aussi important, ce dans quoi on ne peut pas l’être). Cette notion va bien au-delà de sa compétence fondamentale. Ce n’est pas parce que sa compétence se cantonne à un domaine que l’on y sera le meilleur. Inversement on est parfois le meilleur dans un domaine très différent de son secteur.

Ce qui fait tourner le moteur économique. Toutes les entreprises excellentes ont atteint un très haut niveau de perspicacité dans la création d’un autofinancement et d’une rentabilité conséquents.

Ce qui passionne le plus. Les entreprises excellentes se consacrent aux activités qui les enflamment. L’objectif ici n’est pas de stimuler la passion, mais d’en découvrir l’objet.

Ainsi la clé est de discerner avec lucidité les domaines ou votre entreprise pourra être la meilleure (et, aussi important, où elle ne le pourra pas) et non de se cantonner, à ce qu’on voudrait qu’elle soit. Le concept du hérisson n’est ni une stratégie ni une intention : c’est une compréhension.

Par ailleurs, la notion de meilleur tient davantage dans un don ou une capacité potentielle que dans une compétence à l’instant où l’on réalise l’analyse. On peut être compétent sans avoir forcément la capacité à être le meilleur. À l’inverse, on peut avoir une capacité à être le meilleur sans pour autant, pour l’instant, en avoir acquis la technicité.

Connaître son concept du hérisson est un processus long et itératif. Il demande beaucoup d’introspection, de réflexion. Il demande surtout de savoir affronter la réalité des faits selon le paradoxe de Stockdale.Les auteurs proposent dans l’ouvrage une méthodologie pour y parvenir. Elle est basée sur un groupe de travail interne à l’organisation composé d’équipes dirigeantes et de divers collaborateurs maîtrisant parfaitement leur zone de compréhension dont les objectifs ne sont pas d’arriver à un consensus, mais de débattre sans tabou afin d’affronter la réalité des faits.

Chez Versusmind, nous pourrions mettre en place un groupe de travail de type Conseil afin de chercher et trouver notre propre concept du hérisson. Cette mise en oeuvre engendrera une très forte introspection, parfois douloureuse, sur nos compétences, mais également sur nos capacités. Progressivement, nous devrions identifier notre hérisson et modifier puis renforcer notre culture d’entreprise au final.

Une culture de la discipline

Dans ce chapitre les auteurs mettent en avant la découverte que les entreprises sont d’autant plus excellentes qu’elles ont su instaurer un système basé sur une culture très forte de la discipline.

Ce qui est frappant c’est de constater que la discipline est venue comme un phénomène quasi naturel. En effet, les entreprises excellentes ont édifié un système cohérent aux contraintes clairement définies, tout en accordant liberté et responsabilité dans le cadre de ce système. Elles recrutent un personnel autodiscipliné qu’il est inutile de surveiller ; elles gèrent donc un système et non des gens.

Un extrait du livre est plus parlant : “Nous avons été frappés, au fil de nos recherches, par l’apparition répétée de mots tels que discipliné, rigoureux, tenace, déterminé, minutieux, précis, pointilleux, systématique, méthodique, professionnel, exigeant, cohérent, concentré, réfléchi, responsable. Ils ont émaillé les articles, les entretiens et le matériel source traitant des entreprises excellentes, alors que leur absence du matériel comparatif est tout aussi saisissante. Les employés des entreprises excellentes en sont venus à remplir leurs devoirs d’une manière quelque peu extrême, tournant parfois au fanatisme”.

Cette discipline passe en premier lieu par le respect absolu du concept du hérisson “Tu ne feras pas ce qui ne cadre pas avec ton concept du hérisson. Tu ne te lanceras pas dans un secteur qui ne correspond pas aux critères. Tu ne feras aucune acquisition qui ne n’entre pas dans le concept. Si ça ne cadre pas, ne le fais pas. Un point c’est tout”.

Dire “non, merci” aux belles occasions requiert de la discipline.

En écrivant ce chapitre, je suis persuadé que si chez Versusmind, la discipline et la rigueur au travers d’un cadre précis sont parmi les valeurs fortes mises en avant par la direction, nous devons faire évoluer nos critères de sélection de nos futurs collaborateurs en mettant les critères de l’autodiscipline plus en avant afin de pouvoir créer une culture naturelle. Une fois que nous aurons réussi cette évolution culturelle, nous pourrons faire évoluer le système de manière plus efficace.

Par ailleurs, le prisme d’analyse de prise de décision au travers du concept du hérisson pourra être chez nous transformé en un outil fondamental de management à destination des équipes de direction. Il pourra devenir notre boussole lorsque, trop pris par le quotidien, nous chercherons le “nord” de nos actions. Il pourrait même être matérialisé par un objet symbolique.

Des catalyseurs technologiques

Un des autres enseignements des recherches menées par l’équipe de Jim Collins est que la technologie n’a pas forcément le poids que l’on croit dans une transformation d’entreprise. En fait elle n’intervient pas à la position à laquelle spontanément on l’attendrait : le déclencheur. Au contraire, les entreprises d’excellence n’ont jamais utilisé la technologie comme déclencheur d’une métamorphose, mais plutôt comme accélérateur. Paradoxalement les entreprises excellentes sont souvent pionnières dans l’adoption et dans l’application d’une nouvelle technologie qu’elles ont au préalable soigneusement sélectionnés, car elle ne pourrait pas l’être si elle n’entre pas totalement dans les domaines d’application de l’entreprise qui sont évidemment guidés par le concept du hérisson.

Pour illustrer ce fait, une statistique : “80 % des dirigeants d’entreprises excellentes n’ont pas même pas mentionné la technologie parmi les 5 facteurs fondamentaux de leur transition.”.

Le volant et les caprices du destin

C’est le dernier chapitre marquant du livre. Il amène au lecteur l’idée d’inertie des évolutions. L’auteur prend l’analogie d’une énorme roue de métal (le volant) montée horizontalement sur un axe vertical que l’on devrait faire tourner le plus vite et le plus longtemps possible.

Les premières poussées ne réussiront à faire tourner la roue que de quelques millimètres, les suivantes de quelques rotations, puis trouvant le rythme et chaque poussée s’appuyant sur l’énergie et l’inertie mises dans les poussées précédentes, les rotations se font progressivement plus puissantes et plus rapides. L’énorme disque vole vers l’avant, dans un élan pratiquement impossible à stopper.

Mais quelle est la poussée la plus importante pour obtenir un tel résultat ?

Ce qui est paradoxal dans ce phénomène c’est que le résultat visible, marquant pour un observateur extérieur, n’est pas le fruit d’un seul élément déclencheur, mais d’un ensemble de poussées cumulées dont chacune a eu une importance significative.
Cette analogie décrit le phénomène que toutes les transformations, d’un point de vue extérieur, semblent spectaculaires, presque révolutionnaires. De l’intérieur, elles sont ressenties comme un développement lent de type biologique comme une chrysalide pour un papillon.

Le fait de lancer le volant suffisamment vite, de trouver son concept du hérisson et de l’inclure dans la culture d’entreprise permet aux entreprises excellentes d’utiliser judicieusement les acquisitions et d’optimiser leurs effets dans le but d’accélérer un volant qui tournait déjà très vite.

Ainsi tout commence avec les grands patrons de niveau 5 qui s’orientent naturellement vers le modèle du volant. Ils ne sont pas très amateurs de programmes éclair qui les mettent eux-mêmes sur orbite. Ils préfèrent pousser calmement le volant afin de mettre les résultats sur orbite.
Embarquer le bon équipage à bord, faire descendre les mauvais et placer les membres d’équipage au poste qui leur convient sont des étapes cruciales pour poser les fondations du rassemblement, des très importantes poussées sur le volant.

Conclusion générale

“De la performance à l’excellence” est un livre de management que j’ai trouvé passionnant. Son équipe de recherche du plus haut niveau et de fortes dimensions (plus de 20 chercheurs ont travaillé sur plusieurs années sur le projet), la qualité et la profondeur du travail donné en font, au regard de ma maigre connaissance du domaine, un travail unique et extrêmement éclairant sur les leviers du pilotage d’entreprise qui permettent de mener l’organisation vers le succès de manière pérenne.

C’est une lecture que je conseille à chaque passionné par les organisations et à chaque chef d’entreprise aux commandes. Pour ma part je suis persuadé qu’il est un jalon important dans l’évolution de ma vision de ce que doit être Versusmind. Il sera l’un des prismes par lequel je regarderai mes décisions futures.

Benoît Koch

President